Une fleur rose dans ses cheveux dorés, la tête distraitement appuyée sur sa main finement gantée de soie, Kristel Wildenstern regardait le vide avec un intérêt touchant. Vêtue d’une robe dont elle se servait quand elle faisait de gros concerts, elle était parée comme une princesse, avec sa ceinture en pétales de fleurs roses pâles. Il n’échappait à personne que la plupart des hommes la regardaient d’un œil intéressé. Les femmes, elles, la toisaient froidement. De toute évidence, elles lui enviaient sa grâce et sa classe. Les plus sages ne prêtaient pas attention à elle.
Kristel ne dit rien du repas, elle ne fit que rejeter sa chevelure en arrière, tandis que ses boucles tombaient une à une devant ses yeux. Les premiers clients quittèrent la table, et Eleonore, qui était de corvée accueil pour l’après-midi, les suivit. Dès qu’elle fut entrée, Christopher se précipita en face de Kristel, et, d’un sourire ravageur, lui demanda :
- Bienvenue parmi nous, mademoiselle… ?
- Kristel Wildenstern, monsieur, répondit-elle avec un sourire timide. Et vous, vous êtes ?
- Le prince Christopher, pour vous servir.
Elle écarquilla les yeux.
- Le prince ? Mais le prince d’où ?
- De l’Allemagne, mademoiselle.
Elle inclina la tête en signe de respect, puis détourna le regard, comme si elle cherchait quelqu’un. Christopher rejoignit donc sa place, tout enorgueilli.
- Elle est belle, hein ? souffla-t-il à Demetrio, assis à côté de lui.
- Chris, tu es marié.
- Ouais, je sais, mais quand même ! Elle est belle !
- Fais attention à ce que tu réponds, mon cœur, blagua Elise. Je te rappelle que je ne suis pas loin, et qu’un couteau est vite parti !
Tous ceux qui l’avaient entendue rirent, et Demetrio, amusé, se contenta de répondre :
- Je suis certain de la connaître. Mais d’où ?
Antonio acquiesça, et ajouta :
- Et cet accent irlandais ne m’est pas inconnu. Kristel Wildenstern… Non, décidemment, je ne retrouve pas.
Les yeux bleus de Kristel parcoururent l’assemblée jusqu’à rencontrer ceux d’Antonio. Elle lui sourit timidement, et devint bientôt cramoisie. Le musicien ne tint pas compte de ce brusque changement de couleur, et se resservit à manger. Non loin de lui, Mariana discutait avec le comte, qui, au bout d’un moment, lui demanda :
- Mais, au fait, comment vous appelez-vous ?
- Je suis Mariana Leonelli, monsieur.
- Très joli nom, pour ma part, je me nomme Rosenberg.
Wolfgang, qui n’avait pas vu le comte, sursauta quand il entendit ce nom. Il se détourna de Constance, avec qui il était en train de rire, et dévisagea l’homme aux rouleaux.
- Ben quoi ? fit celui-ci. Vous ne m’aviez pas vu, Mozart ? (Il avait prononcé le nom de « Mozart » avec un semblant de dégoût) Vous étiez bien trop occupé à vous pavaner avec mademoiselle Weber. Pff, c’est pathétique.